Joni Mitchell parle de chacun des morceaux de son nouveau CD: 'Shine';
(sortie le 25 septembre)
Personnel: Joni Mitchell (guitar); James Taylor (acoustic guitar); Greg Leisz (pedal steel guitar); Bob Sheppard (alto saxophone); Larry Klein (bass guitar); Brian Blade (drums); Paulinho Da Costa (percussion).
La légendaire Joni Mitchell sort ce mardi chez le nouveau label Hear Music (appartenant à la firme de café Starbucks). Le nouveau CD: 'Shine' une collection de dix morceaux.
"Je suis ravie de pouvoir travailler avec le label Hear Music sur mon nouveau CD" déclare Mitchell. "Starbucks et Concord Music Group m’ont rejoint pour sortir un projet qui m’a permis d’apprécier ce que j’aime en premier lieu dans la création musicale. Je leur en suis très reconnaissante."
(tiré du livret du CD):
1. "One Week Last Summer" (instrumental)
" Je marchais à l’extérieur de ma petite maison et me tenais debout sur un rocher. L’Océan Pacifique roulait vers moi. A travers la baie, une famille de phoques se vautrait sur le varech non couvert de la marée basse. Un héron bleu cacardait à tue-tête. Tout autour de la maison les rosiers sauvages étaient en fleur. L’air était doux et salé et partout on pouvait entendre le coassement des corbeaux et le bourdonnement des abeilles. Ma maison était propre. J’avais de la nourriture dans le Frigo pour une semaine. Je me suis assise à l’extérieur jusqu'au coucher du soleil. Cette nuit-là, le piano m’a fait signe pour la première fois depuis dix ans. Mes doigts ont trouvé de petits motifs musicaux qui exprimaient ce que les mots n’arrivaient pas à faire. Cette chansons a coulé hors de moi alors qu’un ours brun était dehors en train de fourrager dans mes poubelles."
"Au départ, le morceau était intitulé : 'Gratitude,' et était le tout premier morceau que j’écrivais pour cet album. J’étais dans ma maison au nord de Vancouver, et je me sentais si reconnaissante pour cet endroit que je possède depuis 1969. J’ai écris tout un tas de chansons ici – pratiquement l’intégralité des deux albums “For the Roses” et “Court & Spark”, mais je composais alors sur un piano demi-queue qui s’est révélé être trop grand pour l’espace. Je l’ai finalement remplacé par un clavecin qui possède un vieux clavier électrique Wurlitzer.
Après dix années sans toucher mon piano ou ma guitare, je me suis assise au clavecin et cela s’est simplement mis à s’écouler de mon esprit « je suis si heureuse d’être ici ». J’étais uniquement affairée à observer et ranger ma maison, à observer les bancs de poissons changer et les grands échassiers voler haut dans le ciel. C’était des ravissements bon marché à une époque où rien à Hollywood ne me satissfaisait. J’ai commencé à jouer du piano et au début sont arrivés les petits filets d’eau, un noyau de son… Et finalement le barrage s’est rompu et ça a commencé à couler.
Plus tard en studio, j’ai ajouté l’orchestration. J’ai contacté mon ingénieur du son habituel, Dan Marnien, pour qu’il me trouve un synthétiseur de compositeur, qui possédait de bonnes couleurs orchestrales. Sur les albums passés, je m’étais déchargé sur un autre du boulot des arrangements, mais cette fois, je voulais créer les miens. J’ai disposé “la viande et les patates” du morceau et j’ai ensuite peint par dessus, entourant d’une petite couleur le contour des notes, revenant à ma palette pour voir quelles couleurs allaient le mieux convenir.
J’ai ensuite appelé Bob Sheppard pour qu’il joue le saxophone. C’est la seule chanson sur laquelle il joue du saxophone alto. Toutes les autres sont au sax soprano. Ce fut sa décision de jouer de l’alto dessus, mais ce fut une bonne intuition."
2. "This Place"
"Cette chanson parle de prévenir une catastrophe. Lorsque j’ai pour la première fois déménagé dans cet endroit en … avant J-C, c’était un site ruralet la fonction de la terre n’avait pas encore été choisie. Elle contenait les vestiges de l’industrie du bois et la plupart des gens qui vivaient là étaient pauvres. Personne n’en avait entendu parler. Je savais que parfois une personne célèbre qui déménageait au Canada entraînait une invasion de population riche et célèbre. Je me suis donc faite plutôt discrète depuis plus de trente ans. Mais aujourd’hui, à cinq kilomètres de la Sunshine Coast, des développeurs commencent à déblayer des arbres afin que des gens riches puissent construire des maisons et amener leurs yachts. Et puis, nous avons appris que nous ne possédions pas les droits minéraux de notre terre. Une compagnie a commencé à fouiner partout, à vouloir démolir une montagne pour récupérer du gravier, et puis ensuite de construire une ceinture de convoyage géante jusqu’à l’océan afin que le gravier soit récupéré plusieurs fois par jour par d’immenses bateaux marchant au diesel. Le marché a fini par capoter, mais cela concerne toujours chaque âme vivante ici.
La chanson parle de mon voisin, gardien et ami, Hans, qui déclare : 'Quand j’irais au ciel, si ça ne ressemble pas à ici, je sauterais sur un nuage et je reviendrais ici-bas…' la chanson s’achève avec ce vers sur le fait d’avoir le 'génie de sauver cet endroit.' Je me souviens d’un acteur à Los Angeles qui me disait un jour que chacun est un génie. Je n’étais pas vraiment d’accord
avec lui. Mais j’ai ensuite réfléchi, et me suis dit, que ce serait chouette si c’était vrai."
3. "If I Had a Heart"
" J’ai passé deux ans de fureur. J’étais tombée dans un endroit où il y avait beaucoup de mortification et de blâme, que je croyais être le niveau le plus bas du mal. Cela conspire à vos faire avoir le cœur mauvais – le cœur empoisonné par la colère. Lorsque j’avais vingt ans, j’ai beaucoup pleuré sur ce qui ce arrivait à la terre. Je pouvais voir beaucoup de choses arriver. Aujourd’hui je me sens comme vaccinée contre ce que les gens viennent à peine de découvrir. S’ils se réveillent et voient ce qui se passe, ils souffrent et se sentent impuissants. Il s’agit d’une lamentation qui pose la question: “Que pouvons-nous faire lorsque nous nous sentons faibles, lorsque nous avons l’impression que les choses sont hors de portée. Comment pouvons-nous guérir cette terre sacrée? Je me sens un peu comme une puce sur un dinosaure, mais je lui décoche encore un coup de pied dans le tibia."
4. "Hana"
"J’aimerais pouvoir me souvenir du nom de ce superbe film des années trente sur lequel cette chanson est basée. C’est l’histoire d’une femme qui surgit littéralement à la porte d’une maison au milieu d’un blizzard. Cela se passe lors de la grande dépression et elle vend des ustensiles de cuisine de porte en porte. Elle vient littéralement se protéger du froid, et contemple la situation de grande détresse de ce mari instituteur, de sa femme et de leurs enfants. Et elle se comporte comme un ange envers eux. Elle se propose d’être leur aide-ménagère, elle fait fructifier leur argent et les remet sur la bonne voie. Hana est une femme irlandaise astucieuse et dégourdie, qui a un coeur généreux mais qui possède également un motif caché pour se trouver dans cette ville: elle est venue visiter son fils illégitime qui a été adopté par une riche famille. Je me suis identifiée avec elle, mais elle avait de l’avance sur moi. Elle est exemplaire dans sa manière de traiter avec la vie."
5."Bad Dreams"
" La ligne du refrain 'Bad dreams are good/In the great plan' vient de mon petit-fils, qui a lancé cela lorsqu’il avait trois ans. Ma fille, mon petit-fils et moi étions allés voir la version scénique du 'Fantôme de l’Opéra.' Il s’était fait beau et s’était très bien conduit durant le spectacle. Mais après, lorsque nous sommes allés au restaurant, il était fatigué et affamé et il a commencé à être turbulent. Pour essayer de stopper ses crises de colère, j’ai montré le théâtre de l’autre côté de la rue dans laquelle la pièce venait d’être représentée et je lui ai dit que le fantôme vivait dans un tunnel sous la vieille maison. En fait, j’ai eu recours à un conte obscur pour le maintenir tranquille. Lorsqu’il s’est enfin calmé, ma fille a dit: C’est un miracle parfois qu’il ne me provoque pas des cauchemars.' Il lui a aussitôt répondu: 'Mais maman, les mauvais rêves sont bons dans le grand schéma!'
Et je lui demandé comment il savait ça? Il m’a répondu qu’il n’en savait rien. Tout ce que je sais, c’est que c’est une de rares choses profondes que quelqu’un m’a dite en personne. (Une autre chose qui m’a été dite un jour par un ami: 'Joni, Joni, continue d’entretenir l’insatisfaction divine, mais n’ai pas peur.')
Le début de la chanson est base sur un haïku que j’ai écrit – le seul poème que j’écrivais en dix ans:
The cats are in the flowerbed
A red hawk rides the sky
A little dog is chewing on a book of matches.
Le petit chien ne collait pas à la mélodie, mais le reste oui. Ainsi, ces deux vers et le poème 'If' de Rudyard Kipling sont les seuls mots que j’avais dans la tête lorsque j’ai commencé l’album.
Il est vrai qu’il y a de la tristesse et du désespoir dans cette chanson. Mais c’est factuel. Plutôt que faire un saccage triste de moi-même, j’ai pensé, parlons plutôt de crimes gratuits et affrontons les faits. Ce n’est pas que j’ai une vision négative. Et je ne voudrais pas que les gens pensent: 'Oh, Joni, elle souffre !' Si les gens me voient confessant quelque chose, ils ratent le thème de la chanson. Même si j’utilise le “Je”, j’espère que l’auditeur ne pensera pas que c’est autobiographique, mais qu’il se verra plutôt dedans. Aucun doute que je me vois dans cette “liste de courses” des échecs - comme le fait d’être égoïste, d’oublier d’être reconnaissante, de me centrer sur moi, moi, moi.
Comme pour cette évocation des super héros qui sauvent terre, les enfants qui grandissent avec ces figures de fantaisie peuvent finir par devenir frustrés par ce monde cruel. La fuite vers la fantaisie n’est peut-être pas nécessairement le meilleur jouet pour les problèmes qui sont devant nous."
Dernière édition par le Mer 26 Sep 2007, 10:28 am, édité 3 fois