DEUX RÉFÉRENCES MUSICALES MÊLENT DE NOUVEAU SUR SCÈNE LEURS HARMONIESPar Anthony de Curtis pour le New York Times - 1er juin 2010 (voir ici)
traduction - Samuel Légitimus Perché sur le bras du fauteuil d'une chambre d'hôtel de Los Angeles, James Taylor se rappelle de la première fois qu'il a entendu Carole King chanter “
You’ve Got a Friend.”
“
J'étais debout à l'extérieur d'une petite loge située au balcon” confie-t-il, se référant au Troubadour, le club de Los Angeles qui servit de ground zero pour le mouvement des singer-songwriters au tout début des années 70; “Je venais d'attraper ma guitare pour essayer de comprendre comment jouer cette chanson. Je me suis dit: ‘Elle l'a écrit! c'est le ‘The Star-Spangled Banner’ (l'hymne américain) de notre génération.’ ”
James Taylor a enregistré la chanson et, en 1971 , elle lui a fourni le premier et unique No. 1 de sa carrière. La même année, Carole King incluait “
You’ve Got a Friend” sur
Tapestry, un album-phare qui fera d'elle une superstar et se vendra à plus de 10 million d'exemplaires rien qu'aux Etats-Unis. Plus important peut-être, le thème persistant de la chanson. Comme l'écrivit dans Rolling Stone le critique de rock Jon Landau (qui allait devenir le manager de Bruce Springsteen) le sujet de l'album est “
la quête de l'amitié durable, de l'amitié à laquelle on peut se fier, de l'amitié que l'on peut éprouver.”
Ces mots pourraient servir de thème à la tournée mondiale "
Troubadour Reunion" de King et Taylor, qui passera ce mois-ci par le Madison Square Garden pour trois concerts. Depuis qu'ils se sont lancés sur les routes en mars, visitant l'Australie, la Nouvelle Zélande et le Japon avant d'arriver aux Etats-Unis le mois dernier, leur concert s'est allongé à près de trois heures (si on compte un bref entracte) les deux stars restant sur scène pendant l'intégralité du concert.
Ils interprètent plus de deux douzaines de leur succès individuels, tout en fournissant les harmonies vocales et le support instrumental pour l'autre (James Taylor à la guitare et Carole King au piano). Le noyau du groupe — le guitariste
Danny Kortchmar, le bassiste
Leland Sklar et le batteur
Russ Kunkel — complètent cette réunion - ces trois musiciens ayant joué avec King et Taylor à l'époque de leur ascension, quatre décennies plus tôt. Danny Kortchmar a même présenté Taylor à King en 1969; les deux hommes jouent ensemble depuis leur adolescence.
Ces profondes connections font ressembler la tournée à un repas de Thanksgiving dans un roman d'Ann Beattie.
Tapestry, ainsi que les deux albums de Taylor
Sweet Baby James (1970) et
Mud Slide Slim and the Blue Horizon (1971) seront les pierres de touche définitives de la génération des baby boomers, et parce qu'ils surent capturer l'apex de la collaboration et des carrières entremêlées des deux chanteurs, ces albums fournissent de nombreuses chansons du concert. Leur fans restent peut-être la dernière démographie fiable — et certainement solvable — d'une industrie musicale réduite en fragments par Internet. Depuis que la tournée est arrivée aux États-Unis, ils s'y sont mis en force, laissant dans leur sillage des arènes à guichets fermés et des recettes de millions de dollars.
“le Soft-rock a tendance a ne pas faire recette dans les arènes” affirme Gary Bongiovanni de Pollstar, magazine spécialisé dans l'industrie du concert. “Pour que ça marche, il vous faut vraiment quelque chose de spécial. Et ces deux-là réunis, ca l'est vraiment.”
Installé dans leur hôtel avant une performance à San Jose, Carole King, 68 ans, et James Taylor, 62 ans, communiquent avec l'aisance de deux vieux amis. Ils se montrent affectueusement déférents l'un envers l'autre, prenant soin de ne pas monopoliser l'interview. Vêtu d'un T-shirt bleu à longues manches et d'une paire de jeans noirs, Taylor est cérébral et discret. Ses phrases, légèrement coloré d'une voix traînante qui trahit une enfance passée en Caroline du nord, serpente avec une grâce professorale.
Carole King, dans une costume soyeux noir, alterne le mysticisme New Age et l'Amérique de l'Ouest — elle vit depuis de nombreuses années dans l'Idaho — avec la franchise et le sérieux des gamins des rues. Cependant si on remonte loin, elle est née et a été élevée à Brooklyn, avec l'accent pour le prouver. “
James dit les choses plus calmement” explique-t-elle à un certain moment. “
Alors que moi, je bouillonne.”
Carole est une formidable présence sur la scène musicale depuis qu'adolescente elle a écrit “
Will You Love Me Tomorrow?” pour le groupe féminins des
Shirelles en 1960 avec son mari de l'époque,
Gerry Goffin. Travaillant principalement avec Goffin, elle a composé dans les années soixante un nombre hallucinant de tubes pour d'autres artistes, parmi lesquels “
Up on the Roof”, “
(You Make Me Feel Like) A Natural Woman” et “
Don’t Bring Me Down”. Elle s'est, néanmoins, montrée peu disposée à chanter elle-même, ce jusqu'à ce que James Taylor l'invite à jouer du piano dans son groupe. Il avait un plan caché. Au milieu de ses concerts, il mettait Carole King en avant pour la pousser à chanter quelques unes de ses chansons.
“
Il était temps pour Carole d'entrer dans ses chaussures” se rappelle Taylor. “Ce fut une chose passionnante à voir.”
Carole King d'ajouter: “
Avec sa modestie habituelle, James oublie de dire qu'il était tout seul à insister pour que je me mette en avant.”
“
L'entendre chanter ‘Sweet Baby James’ ou ‘Something in the Way She Moves.
J'avais l'habitude de me tenir debout dans les coulisses lorsque j'étais sa pianiste. Au moment de son set acoustique en solo, j'écoutais là et je chantais mentalement les harmonies. Je me disais ‘ Je pourrais me contenter de l'écouter jouer comme ça pendant une éternité.’ ”
L'idée d'une tournée à deux est survenue en 2007, lorsque Taylor et King se sont produits ensemble lors d'une série de concerts au Troubadour de Los Angeles pour commémorer le 50ème anniversaire du club. (un album live tiré de ces performances est actuellement à la 11ème place des charts Billboard.) Au cours des années, sitôt qu'ils tombaient l'un sur l'autre, les deux amis parlaient souvent de refaire “quelque chose” ensemble. Soudain, le moment parut bon.
Alors que les réunions prolifèrent actuellement, celle-ci semble moins mise en scène que d'autres. Bien que Carole King et James Taylor aient joué et enregistré ensemble de nombreuses fois au début des années 70, ils ne furent jamais à proprement parler un duo. Ils n'ont jamais interrompu ou cassé leur collaboration. D'une manière plus sensible — et nullement caractéristique de ces époque "en roue libre" — ils ne furent jamais amants. Il n'y eu pas d'histoires personnelles compliquées à résoudre. Si la tournée peut avoir un message, c'est que tout n'a pas forcément à s'achever — ou à s'achever mal.
“
Il est agréable de voir une femme et un homme qui ont constamment respecté ce qu'ils signifiaient l'un pour l'autre professionnellement” déclare
Sheila Weller, auteure de
Girls Like Us, un livre sur Carole King, Joni Mitchell et Carly Simon. “
C'est comme ces gens dans ‘les Copains d'abord’: ‘Je ne te laisserai jamais tomber. Peu importe où tu es, appelle-moi et je viendrais.’ ”
le réalisateur
Morgan Neville, qui travaille actuellement sur un documentaire sur Carole King et James Taylor confie: “
Il vous est presque impossible de croire que deux personnes avec autant d'histoire puissent ressentir cette affection mutuelle. Mais c'est authentique, et cela transparait sur scène. je pense que c'est ce à quoi répondent un grand nombre de gens — ce rapport. la tournée est sans aucun doute plus que la somme des deux parties.”
Tout ça sembla évident lorsque King et Taylor apparurent en souriant et main dans la main, sur la scène du HP Pavilion de San Jose. Le public paru lui-même surpris à la vue de la profondeur du sentiment affiché. la foule réagit d'abord par des applaudissements polis avant que ceux-ci ne se transforment vite en une brouhaha assourdissant. Au fur et à mesure que les deux amis déroulaient un courant de tubes instantanément reconnaissables — “
So Far Away”, “
Carolina in My Mind”, “
It’s Too Late” — des photos d'eux prises il y a quarante ans apparurent sur des écrans au-dessus de la scène. Les images furent accueillies avec le ravissement vertigineux — et des larmes occasionnelles — des vieilles photos de famille. D'un coup, Taylor, avec son épaisse chevelure noire lui tombant sur les épaules, fut plongé dans les jours où il ressemblait à un jeune poète en herbe; Carole King, avec ses boucles tombantes et son regard inspiré, fut de nouveau un mère "Mother Earth" hippie.
Tout ceci pourrait sembler n'être qu'un peu plus qu'une douce accolade nostalgique s'il n'y avait pas la qualité des chansons de King et de Taylor, chansons qui leur ont acquis à chacun d'eux une place place dans le
Rock and Roll Hall of Fame. Et puis, il y a la question de tous le "sang sur les pistes", les inévitable rupture sur le chemin de leur longue vie et celle de leur fans. James Taylor peut aujourd'hui passer pour une figure rassurante, mais il il fut un temps où, y a quelques décennies, il fut un toxicomane notoire et se tenait désespérément au bord de l'abime.
“
Écoutez, je suis entré et sorti d'institutions psychiatriques, je me suis plongé dans la drogue, et vécu avec des amis pendant les cinq années passées” déclarait-t-il à New York Times en 1971. “
Je ne me sens très solide aujourd'hui pour me retrouvé propulsé dans les proportions d'une superstar. Cela pourrait me détruire.”
Lui et Carole King ont enduré le ravage des divorces et des ruptures et des hauts et les bas d'une carrière. Pourtant les voilà, racontant toujours leurs histoires et interprétant leurs chansons ensemble. Il sont tous deux grands -parents aujourd'hui. Taylor est le père de deux jumeaux de 9 ans d'avec sa femme, Kim, qu'il a épousé en 2001.
“
Lorsque vous atteignez un certain âge, je défie quiconque de s'en sortir indemne” déclare Kim Taylor. “
Peut-être est-ce la raison pour laquelle ces chansons ont résisté au temps, et Carole également. Je veux dire que ‘Tapestry’ fut tellement important pour moi. Ces chansons représentent de véritables ancres. Je suis allée dans une école de filles, Smith, et dans chaque chambre dans laquelle vous entriez, on pouvait voir cette pochette d'elle avec le chat et la paire de jeans.”
L'impact de leur chansons n'est pas exclusivement confinée à leur génération. L'artiste férocement contemporaine
Lady Gaga a amené son père voir King et Taylor se produire à Sydney, en Australie, et l'a ensuite accompagné pour les rencontrer en coulisse. (L'attirail de Lady Gaga à suscité une question immédiate de Rufus, le fils de James Taylor: “
Papa, pourquoi elle porte un costume de bain en caoutchouc?”) Alors qu'ils discutaient, Lady Gaga a fondu en larmes, disant qu'elle était bouleversée de rencontrer ces deux personnes dont la musique, “
You’ve Got a Friend” en particulier, l'avait aidé à traverser son adolescence.
C'est une scène à laquelle les deux artistes ont été témoins de nombreuses fois. “
Nous avons la chance d'avoir notre musique représenter la bande-son de la vie des gens — et, par la même, de la nôtre” dit Carole King.
Ce sentiment d'une longue et riche relation entre les artistes eux-mêmes, et entre les artistes et leurs fans, donne également une certaine urgence à la tournée. “
C'est comme si nous étions parti et avions eu une vie de performances et d'expériences, et qu'à présent, nous étions tous réunis” dit James Taylor. “
C'est l'énergie d'une réunion. Mais, pour dire la vérité, je ne pense pas que nous aurions voulu attendre beaucoup plus longtemps. C'était le moment idéal pour le faire.”
Une partie de la raison est simplement chronologique. “ J
e me sens reconnaissante d'avoir encore assez de vigueur pour faire ces concerts à 68 ans” dit Carole King. “
Franchement, c'était la seule qui m'inquiétait. Je me faisais un peu de soucis pour mon énergie vocal, mais cela semble être en place. Mais c'est concert qui demande beaucoup d'énergie. Pendant le concert, je pratique le Carole King "earth-move" work-out.”
En dépit de l'intérêt des promoteurs de concert pour amener la tournée en Europe et en Amérique du Sud, les plans actuels sont de conclure celle-ci à Anaheim, Californie, le 20 juillet.
“
Carole a dit quelque chose d'intéressant tout à l'heure” fait remarquer Taylor. “
Elle a dit ‘Vous ne voulez pas seulement quitter les gens alors qu'ils en veulent encore, vous voulez vous-même partir alors que vous en voulez plus.’ C'est vraiment sage. Il est censé de savoir quand partir.”
Carole King d'ajouter brillamment: “
Mais nous n'en sommes qu'au début. Nous sommes vraiment motivés.”