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Rencontre avec l'incorruptible chanteuse Joni Mitchell

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Admin Samuel Légitimus

Admin Samuel Légitimus
Admin

Rencontre avec l'incorruptible chanteuse Joni Mitchell

télérama
A 64 ans, la colère intacte contre l'égoïsme contemporain, l'icône rock revient,
célébrée par ses pairs, avec un album inspiré.





Rencontre avec l'incorruptible chanteuse Joni Mitchell M5989







Combien de fois, au cours des deux heures passées en sa compagnie, Joni
Mitchell aura-t-elle prononcé le mot « ignorance » ? Un mot, répété
rageusement, qui dit sa colère envers la plupart de ses congénères.
Cette colère permanente, qui lui a toujours servi de moteur, mais aura
aussi été son pire ennemi... Depuis quelques années, l'icône folk de la
fin des sixties, 64 ans aujourd'hui, s'était faite rare : plus d'albums
et quasiment aucune interview, par choix et par dépit, son dégoût de
l'industrie du disque n'ayant d'égal que sa défiance à l'égard des
médias. Pendant son absence - consacrée à la peinture, sa vraie
vocation, bien avant la chanson -, son aura n'a fait que grandir. A
l'instar de ses compatriotes canadiens, Neil Young et Leonard Cohen,
son oeuvre et sa trajectoire, libres et déterminées, font désormais
référence. Toute artiste en quête de crédibilité se doit de revendiquer
l'héritage de Joni Mitchell, l'indépendance, la volonté et l'exigence
faites femme.

« Je suis une personne profonde née dans un monde superficiel »,
affirme-t-elle à l'ombre du magnifique jardin d'un hôtel de Bel Air, à
Los Angeles. Mitchell, élégante, avec encore vivace cette beauté
naturelle qui fit tourner la tête de bien des musiciens - regard bleu
perçant, pommettes saillantes, sourire rayonnant -, n'a pourtant rien
de la harpie méprisante que l'on a souvent décrite. La militante écolo
acharnée, entre les bouffées de cigarette qu'elle fume à la chaîne,
passe constamment du rire à l'emportement, de la plus triviale des
anecdotes à la plus nébuleuse des analyses de tel discours
philosophique ou religieux. Joni Mitchell est une boule d'énergie et de
passion, intarissable, impitoyable. Par moments, on se dit qu'elle a
aussi un léger grain : cette folie propre aux êtres trop lucides, trop
doués, trop isolés.

L'automne dernier a vu son étoile briller de nouveau. Deux disques
hommages à son oeuvre - un avec Björk, Prince, Caetano Veloso et Elvis
Costello, l'autre de son ami et admirateur Herbie Hancock (1) - ont
accompagné la sortie de Shine,
son premier album de nouvelles chansons en dix ans. Un recueil aussi
soigné et engagé qu'à l'accoutumée, qui signale le radieux come-back
d'une artiste majeure, fruit du soutien d'un label, Hear Music
(propriété de Starbucks), et, surtout, d'une collaboration libératrice
avec... le Ballet de l'Alberta. « Je pensais en avoir fini avec ce
business, je me contentais de cultiver mon jardin, lorsque j'ai été
contactée par le directeur d'un ballet, explique-t-elle. Il souhaitait
monter un spectacle autour de mes chansons, qui aurait raconté mon
parcours, de fille du fin fond de la campagne à ­"légende vivante" de
la musique ­populaire. A la place, je lui ai proposé de travailler sur
de nouvelles chansons, autour du thème qui m'importe plus que jamais :
l'état dramatique du monde dans lequel on vit. Voilà comment je me suis
retrouvée à fournir des musiques, des photos pour les ­décors, et à
travailler la chorégraphie d'un spectacle de ballet à Calgary. A deux
pas de la faculté où j'ai fait mes études d'art, là où, jeune fille, je
ne ­loupais aucune occasion pour aller danser le soir ! »

Née Roberta Joan Anderson, en 1943, elle a connu une enfance plutôt
dure et solitaire. « J'ai été marquée très tôt par Kim, de Rudyard
Kipling. Je me suis identifiée à ce petit orphelin indien, contraint de
se débrouiller dans un monde d'adultes. Quand on est confronté à la
maladie et à la mort très jeune, on n'a que deux options : se battre et
ne compter que sur soi pour survivre ou vivre à jamais dans la
dépendance. » Atteinte de polio à 9 ans, Joni réalise qu'elle pourrait
rester infirme et allongée pour le restant de ses jours. Elle décide
donc, un matin, après des mois d'hospitalisation, de se lever et de
marcher, seule. Elle y parvient, miraculeusement. Entre-temps, elle
aura appris à peindre, à dessiner, et, pour divertir ses compagnons
d'infortune, à chanter.

Rendue à la vie, l'adolescente longiligne ne tient pas en place. Grimée
en garçon, elle hante les lieux où l'on danse le rock'n'roll même si
son goût musical tend vers le jazz et le music-hall. Le folk, alors en
vogue, ne l'intéresse guère : elle le trouve musicalement limité. Mais
quand on a besoin de payer ses cigarettes, quoi de plus facile que de
grattouiller une guitare ou un ukulélé en chantant des airs
traditionnels - et bientôt des textes de son cru ? « D'habitude, les
gens font des petits boulots pour financer leur musique, moi c'est
l'inverse. La chanson m'a permis de gagner un peu d'argent. Mais l'art
noble, pour moi, c'était la peinture. »

Au début des années 60, dans les clubs de Toronto où elle se produit,
Joni Mitchell intrigue, séduit. Par sa beauté et son style vocal,
atypique, d'une pureté phénoménale, et son jeu de guitare, autodidacte,
tout en accords ouverts, qui fait s'arracher les cheveux à bien des
guitaristes émérites. Lorsqu'en 1965 un chanteur folk américain alors
un peu coté, Chuck Mitchell, sous le charme, propose de l'épouser, la
jeune femme est enceinte d'un amant de passage, évanoui dans la nature.
L'enfant, une fille, confiée à une famille d'accueil après sa
naissance, demeurera longtemps le lourd et douloureux secret de la
chanteuse, qui l'évoquera de manière cryptée dans ses chansons.
Le mariage avec Chuck, qui apprécie peu de se voir éclipsé par le
talent de celle qu'il traite parfois de « plouc inculte », ne dure
guère. Divorcée, elle s'installe à New York. David Crosby, en rupture
des Byrds, la prend sous son aile alors que les chansons de la
compositrice encore inconnue sont déjà interprétées par des artistes
établis (Tom Rush, puis Judy Collins ou Fairport Convention). La
Canadienne devient l'égérie de la crème du folk-rock américain.

Le premier album de Joni Mitchell, Songs to a seagull, publié en juin 1968
(six mois après Songs of Leonard ­Cohen,
six mois avant les débuts en solo de Neil Young, riche année !),
bouleverse le monde de la chanson. Si la musique reste acoustique et
dépouillée, les textes de Mitchell tranchent avec le tout-venant du
protest song de Joan Baez et consorts. Démarrant par une mise en pièces
de son ex-mari (I had a king), Joni entame une dissection au
scalpel, dans un langage poétique et précis, de sa vie affective et de
ses émotions. Avec sa voix, son écriture et son physique
extraordinaires, Joni Mitchell ringardise ses rivales et collectionne
les amants (Graham Nash, James Taylor, Jackson Browne...), qu'elle ne
manque pas d'épingler ensuite dans ses disques. En 1971, Blue,
son chef-d'oeuvre, atteint des sommets d'introspection dans la mise à
nu des affres d'une relation, mais cette femme trop libre, trop
indépendante, s'attire les foudres des tenants de la « Woodstock
génération ». Ceux-là mêmes qui prônaient l'amour libre et
l'émancipation des femmes, le journal Rolling Stone en tête,
s'en prennent violemment à Mitchell, l'accusant de n'être qu'une vaine
collectionneuse d'hommes, une « Joni-couche-toi-là » au discours
nombriliste. Peut-être, perspicaces, étaient-ils piqués au vif par des
textes - comme Woodstock ou Big Yellow Taxi - qui
questionnaient déjà l'inconséquence de ses contemporains ? « Peu ont
saisi que mon hymne à l'espoir généré par Woodstock était teinté
d'ironie. Cette phrase, "Il est temps de retourner au jardin", était
une mise en garde contre le désastre écologique qui s'annonçait déjà.
Tout comme dans Big Yellow Taxi, où je déplorais que l'on
était en train de "bétonner le Paradis pour en faire un parking". En
fait, je n'ai jamais été en phase avec ceux de ma génération. Alors que
c'était la guerre au Vietnam qu'il fallait condamner, la plupart
d'entre eux s'en prenaient aux pauvres soldats, les premières victimes.
Et ainsi de suite : Dylan en tête, tous ces musiciens ne voyaient pas
plus loin que le bout de leur nez. Ils sont devenus richissimes mais
n'ont rien su faire de leur pouvoir. Leur ego, leurs comptes en banque
et leur dope étaient à peu près leurs seules préoccupations. Leur
ignorance nous a donné une industrie du disque cupide à l'extrême, et
des années 80 reaganiennes, vides de valeurs et de sens moral. J'avais
rejoint la communauté rock, pensant y trouver une famille, j'y ai
côtoyé les gens les plus égoïstes, jaloux et narcissiques de mon
existence. » On comprend pourquoi Joni Mitchell, au risque de
s'éloigner du succès, s'est rapprochée, à partir de 1974, des rivages
du jazz. Pour enrichir son lexique musical, goûter à une liberté
harmonique et vocale et rencontrer, enfin, des musiciens généreux,
humains, la traitant en égale. Comme Jaco Pastorius, Herbie Hancock, et
plus encore Wayne Shorter. « Wayne est le seul qui me comprenne
parfaitement. Je ne sais pas écrire la musique, je décris les sons que
j'entends par ­images, par métaphores. Et il est toujours en phase avec
ce que j'ai dans la tête. Je me suis présentée maquillée en garçon noir
sur la pochette de Don Juan's Reckless Daughter, en 1977, et
c'est la pochette qui me ressemble le plus. Le Kim qui me servait de
modèle dans mon enfance trouvait enfin un sentiment d'appartenance. »

Les années 80 ne seront pas tendres pour Mitchell. Laissant de côté le
propos intimiste au profit d'un discours militant, politique, révolté,
la pasionaria se voit bouder par un grand public accro aux clips
glamour déversés par MTV, par ses fans qui lui reprochent une
banalisation de sa musique, par une industrie qui ne lui reconnaît même
plus un statut de « gagneuse ». Si bien que lorsque Mitchell aborde le
troisième millénaire avec le somptueux Travelogue,
double album en forme d'aboutissement sur lequel elle revisite,
impériale dans la voix, des perles de son répertoire, avec un orchestre
de soixante-dix musiciens et ses chers ténors du jazz, le responsable
de son label lui confie : « Joni, les temps ont changé. Nous ne sommes
plus que des marchands de voitures. On en vend des mignonnes et on en
vend des puissantes. Mais ce que tu proposes est l'oeuvre d'un génie.
Et ça, on ne sait plus le vendre. » Paru en 2002, Travelogue est condamné d'avance.

« Que me restait-il à faire ? Si le talent, désormais, était pénalisé,
alors je n'avais plus qu'à me retirer. Ce que j'ai fait. Et je ne
pensais vraiment pas revenir. Je croyais que j'allais juste vivre, dans
mon coin, avec mes animaux et mes peintures. » Des peintures qu'elle
refuse obstinément de vendre. « Parce que, dit-elle, l'argent corrompt
toujours l'art. »



Hugo Cassavetti


_________________
Some things never change and some things we don't ever want to change. Thankfully, James Taylor hasn't.

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