James Taylor nous raconte des histoires en tant que 'One Man Band' 15 Novembre 2007 INTERVIEW DIRIGEE PAR Gaylord Fields
traduction : Samuel Légitimus
James Taylor a souvent raconté des histories à travers ses chansons, mais aujourd’hui il raconte littéralement des histoires sur celles-ci. Sur son tout nouveau concert en CD/DVD, One Man Band, le célèbre singer-songwriter, équipé de sa voix, d’une guitare, d’un accompagnement au piano, de 40 ans de sa musique et de ses souvenirs, joue le raconteur, partage les histoires derrière son profond catalogue musicale. Sur la collection, son repertoire s’étend depuis ses premiers morceaux comme 'Something in the Way She Moves' au travers de ses plus célèbres chansons comme 'Fire and Rain' et 'Sweet Baby James,' jusqu’aux plus récentes inspirées par sa vie récente de père et de grand-père et sur le climat politique actuel.
Actuellement en tournée avec son groupe au grand complet, l’artiste de 59 ans prend le temps de converser avec Spinner sur le fait d’être le dernier artiste signé sur le label de Starbucks (Hearmusic),en plus de la variété d’option offerts aux artistes vétérans de présenter leurs chansons dans notre âge digitale. Il parle également de son neveu homonyme – inspiration de son 'Sweet Baby James' qui a tout fait pour éviter la profession familiale de musiciens des Taylor Qu’est-ce qui vous a inspiré à réaliser le concept 'One Man Band' – juste votre voix, une guitare et quelques claviers? C’est une des manières que j’ai de me produire sur scène. J’ai un genre de groupe élargi, qui s’est développé avec le temps, et j’ai écrit de plus en plus de musique pour une configuration de douze musiciens et choristes. Mais j’ai également une version de groupe plus petite avec laquelle nous abordons de nouveaux territoires, avec laquelle on peut voyager plus léger et se déplacer plus rapidement. Et puis, j’ai aussi une formule orchestrale avec laquelle je peux jouer avec des orchestres symphoniques et qui possèdent de super arrangements et qui possède en son centre un genre de section rythmique. Et enfin - et au originellement - ce que je me contente de faire, c’est monter sur scène, avec une guitare et quelques chansons, et interpréter celles-ci. C’est ainsi que j’ai commencé, et il est bon de revenir de temps en temps à cette formule. Cela recadre en quelque sorte les choses d’une autre manière. Cela faisait trop longtemps que je n’avais pas joué ainsi; j’avais besoin de repartir en tournée et jouer dans de petites
salles.
De plus, c’est une chose de jouer pendant quarante minutes sur scène avec juste un piano, une voix et une guitare. Mais si vous voulez faire un concert de deux sets d’une heure chacun, il vous faut y incorporer d’autres éléments pour que ça fonctionne, sinon cela risque de devenir vraiment trop monotone. J’ai donc trouvé cette idée: une moitié de la scène où il n’y a que moi [le pianiste] et Larry [Goldings] dans un contexte chaleureux et confortablement éclairé. Et puis l’autre moitié de la scène totalement vide excepté la présence d’un écran. J’utilise cet écran pour tout un tas de projections: de vieux instantanés, des plans super 8 familiaux, des photos du président Nixon démissionnant de la Maison Blanche.... j’ai aussi enregistré et filmé un groupe de choristes chantant 'Shower the People' ainsi qu’une nouvelle de mes chansons intitulée 'My Traveling Star.' Celui-ci apparaît, comme sorti de l’obscurité, de l’autre côté de la scène et m’accompagne. Toutes ces choses étaient donc au départ des moyens de développer l’essentiel – juste un piano, une guitare et une voix – une formule de concert que Larry et moi avons concocté ensemble.
Lorsque vous avez établi la [b]set list, y a-t-il eu des chansons qui selon vous n’auraient pas marchées dans l’incarnation du « one-man band »?Eh bien, vous savez, il ne nous étaient pas possible de jouer 'Shed a Little Light' sans les choristes. Nous ne pouvions pas jouer 'How Sweet It Is' ou 'Mexico' non plus. Ces morceaux nécessitent vraiment un groupe plus fourni. Il vous faut avoir le support d’autres musiciens. En l’occurrence, nous jouons une version de 'Steamroller Blues.' très différente de celle que l’on obtient avec un section rythmique au complet qui joue au fond, car, comme le nom du morceau l’indique, c’est morceau poids lourd. Alors nous avons pris le parti de l’interpréter plutôt à la rigolade, en le caricaturant complètement. Mais oui, il y a des chansons qui n’ont pas pu entrer dans la setlist car elles nécessitaient un arrangement plus riche.
Pourquoi avez-vous décidé de signer ce projet avec Hear Music, le
nouveau label de Starbucks?Michael Gorfaine est un agent de Los Angeles. Il est, en fait, la source principale de nombreuses musiques de films depuis des décennies. Il a compris assez tôt - tout comme moi - que cette pièce de théâtre qu’était venu notre concert 'One Man Band' devait sortir en CD et DVD. Et il a commencé à démarcher. Il est allé partout et parlé à tout le monde sur la meilleure façon de réaliser la chose. Il a parlé à des compagnies au Canada, en Angleterre et à travers tout les Etats-Unis... et en fin de compte, au fur et à mesure qu’il parlait avec Starbucks, il était clair que la firme était vraiment enthousiaste sur le projet et qu’ils étaient le bon choix.
Que pensez-vous de l’idée qu’un grand nombre des artistes vétérans bien établis n’ont pas autant d’endroits où se tourner pour sortir leur musique? En fait, de la façon dont je vois les choses, je pense que nous avons, au contraire, plus de places que jamais pour sortir notre musique. Ce qui se passe c’est que les grandes firmes de disques sont de moins en moins l’alternative unique. Il y a tout un tas d’autres manières différentes de proposer sa musique. Les deux derniers projets que j’ai sorti sont : un album de Noël chez Hallmark et aujourd’hui ce DVD chez Starbucks. Nous avions hier une conversation sur tous les endroits différents possibles où les gens peuvent avoir accès à votre musique. Mon fils Ben, lorsqu’il se produit dans un lieu, amène avec lui un genre de clé USB -- une banque de données avec un nombre de chansons dessus, quelques informations et quelques dessins de pochettes – qu’il offre ou qu’il vend sur place. C’est une chose fascinante. Il y a vraiment de plus en plus d’opportunité de s’associer et de se faire connaître à l’extérieur.
Vous avez un fils et une fille qui font également de la musique. Leur avez-vous donné des conseils sur comment réussir ou comment être fidèle à soi-même dans le climat musical actuel?Il ne s’agit pas tant de les asseoir et de leur dire : "Ecoute, il y a ces onze règles." Sally et Ben ont grandi avec le métier tout autour d’eux et tout leur enfance, ils ont voyagé avec moi dans le bus sur trois continents. Ils voient clairement comment les choses se passent. En fait, j’ai autant de conseils à prendre d’eux, qu’à leur prodiguer. Nous en parlons tout le temps. Ils en savent beaucoup. Ils ont également beaucoup d’expérience - le chargement d’un van, le fait de passer trois années à assurer des concerts d’un soir... Ils ont appris à la dure. Récemment, Sally, a accouché d’un nouveau-né et elle est actuellement enchaînée au berceau.
Oui, felicitations pour votre statut de grand-père!Merci.
Est-ce que la pop ou le rock d’aujourd’hui trouve grâce à vos yeux? Vous savez, j’écoute parfois des choses que j’aime vraiment beaucoup. Et peu importe le genre. Pour ma part, je peux me sentir aussi attiré par un morceau de country que par un morceau de rap ou de grunge. Mais lorsque vous dites "aujourd’hui", il me faut considérer une musique contemporaine qui remonterait au milieu des années 80. J’ai commencé quand j’avais 15 ans, en 1963. Et donc, cela fait un bon bout de temps que je joue.
Supposons que vous êtes en voiture. Qu’écoutez-vous? J’ai une longue liste de d’artistes que j’aime à écouter, et qui, je le sais, me font de l’effet. Je pense que c’est comme ça que les gens fonctionnent avec la musique. Ils possèdent des morceaux qui les transportent émotionnellement dans un certain endroit ou qui les soutiennent émotionnellement d’une certaine façon. Ils aiment à entendre ces choses pour les accompagner. C’est comme le principe d’une bande-son. On m’a récemment demandé de débarquer dans une émission avec quatre ou cinq disques que j’aimerais recommander ou qui feraient partie de la fameuse liste pour « l’île déserte ». J’ai fini par amener 50, 60, 70 albums qui étaient également importants pour moi. Alors, j’aurais tendance à me passer un de ces albums là. Mais je voyage habituellement en voiture avec [ma femme] Kim, qui possède une opinion musicale très évoluée et très marquée. Sally et Ben sont des adultes maintenant et ont quitté la maison, mais [mes fils] Rufus et Henry ont six ans, et leur opinion est également de plus en plus affirmée. Je ne décide donc pas nécessairement de ce qui est diffusé en voiture.
On peut dire sans risquer de se tromper que votre vie aujourd’hui est
différente de celle d’il y a trente ans. Qu’est-ce qui inspire vos chansons ces jours-ci?
C’est une question vraiment intéressante. Je dirais que ce sont les mêmes choses. Je dirais qu’il y a un paysage interne et personnel – nous sommes des humains avec une conscience individuée qui recréons le monde à l’intérieur de nous-mêmes. Nous réassemblons le monde comme nous le percevons. Notre attachement émotionnel au monde est ce que nous en percevons, que nous developpons et avec lequel nous devons vivre notre vie durant. Les choses qui m’inspirent et me poussent à écrire, continuent à être les mêmes choses. Il y a une certaine indignation urgente sur les sujets sociaux et politiques. C’est un genre de chansons. Et il y a aussi les chansons sur la perte et la guérison. Et puis il y a les pures chansons d’amour en gratitude à la personne avec qui je partage ma vie. Il y a de nombreuses chansons de fêtes et de célébration. Il y a les chansons qui sont simplement des gamineries ou qui n’existent que parce que le rythme est bon et sur lesquelles n’importe quel texte conviendra. Et il se trouve que ces choses n’arrêtent pas de ressurgir. Je peux dire sans me tromper que j’ai écrit les mêmes 20 chansons une douzaine de fois chacune. C’est ainsi. De plus, étant essentiellement un musicien folk – que je définirais comme quelqu’un qui n’a aucune éducation formelle en musique -- j’ai assemblé mon répertoire musical, au hasard, à partir de ce à quoi j’étais exposé. Ce qui a eu pour résultat, que j’ai beaucoup copié les gens que j’admire: Antonio Carlos Jobim, Ray Charles, Aretha Franklin, Joni Mitchell, Pete Seeger, Ry Cooder, Randy Newman, Jean Redpath, the Weavers ... j’aime Hank Williams et j’aime également Frank Sinatra. J’aime Aaron Copeland et j’aime Joseph Spence, qui était un maçon des Bahamas.
De toutes les reprise de chansons que vous avez composés, y-en t-il
certaines qui pour vous ressortent du lot?Earl Klugh a fait une version de 'Long Ago and Far Away.' Ce n’est pas tant le fait qu’il l’ait amené dans une direction surprenante. C’était seulement interprété d’une façon tellement magnifique. Pour ce qui est des versions surprenantes: j’ai assisté il y a deux ans environ à cette soirée MusiCares, et Paul Simon a joué une version de 'Sweet Baby James.' qui constituait un tel écart par rapport à ma version… et sa version changeait le morceau d’une manière si radicale… Je citerais également la version de Springsteen de 'Millworker' qui fut donnée dans la même soirée.
Vous venez de mentionner 'Sweet Baby James.' Un grand nombre de gens ne sont pas ignore que le morceau fait, en fait, référence à votre neveu qui porte le même prénom que vous. Que fait-il à présent?C’est un homme paisible. Il est père de deux jumelles de treize ans. Lui et sa femme vivent sur Martha's Vineyard. Et quiconque vit pendant une grande période de temps sur Vineyard en tant que vrai natif de l’endroit comprend qu’il y a un large spectre d’activités possible là-bas. Il a ainsi travaillé pour le bureau de poste… il a vendu des vêtements, il a gagné sa vie en plantant des clous. Mais surtout il veillent sur ses filles et prend soin d’elles. Récemment, lors du mariage d’un de ses cousins, le James Montgomery Blues Band a joué un concert assez enflammé pour brûler la grange. Sur Vineyard, un mariage n’est pas terminé tant qu’il reste quelqu’un de valide sur ses deux pattes. Et donc, [mon neveu] James s’est emparé du micro. Personne n’était au courant qu’il allait chanter, parce qu’il est si timide et calme – un grand gaillard, un gaillard vraiment grand . Et il a poussé la note. Aucun de membre de la famille ne l’avait jamais entendu chanter - ce n’est pas quelque chose dont il faisait état - mais c’est vraiment un excellent chanteur de blues. Il chante exactement comme son père [ Alex Taylor]. C’était génial.
Et donc, s’il avait choisi d’entrer de la business familial de la famille Taylor, elle aurait très bien pu réussir.Ou ça aurait très bien pu le tuer.
Quel est l’élément qui, dans votre famille – depuis vos frères et soeur à vos enfants – vous unit en tant que créateurs de musique?Il s’agit juste d’une passion partagée. Je pense que c’est dû à Papa et Maman à part égal. Mon père était docteur et officier médical dans la marine et il a travaillé en fait toute sa vie dans le santé publique. Mais il adorait la musique et il chantait tout le temps. Ma mère a fait des études de chant au Conservatoire de Nouvelle-Angleterre. Elle étudiait le chant soprano. Elle adorait donc également la musique. Et ils nous ont fait prendre très tôt des leçons de musique. Et puis, par chance, dans l’endroit où nous allions passé nos étés se produisait la grande épidémie folk Du milieu des années 60. Nous avons tous eu l’opportunité, à des degrés divers, de nous exprimer. Il y avait tout un tas de soirées radios crochets – de soirées amateurs. Vous pouviez monter sur scène et prétendre que vous étiez un chanteur folk, ce n’était pas bien difficile. Et dans certains cas, il se révélait que vous l’étiez vraiment.