Jackson Browne roulant toujours, mais difficilement à vide
Une des plumes les plus fameuses de l'histoire du rock de L.A. est de retour avec un nouvel album remplis d'excellents morceaux et d’un nouvel esprit politique renouvelé. Jackson Browne a payé le prix dans les années 1980, pour ses chansons ouvertement politiques. Plus de vingt-ans plus tard, il dit toujours ce qu’il a sur le coeur.
Par Geoff Boucher, reporter au Los Angeles Times - 28 septembre 2008 - traduction Samuel Légitimus
LE BRUIT sur la jetée de Santa Monica était assourdissant - le crissement des voitures de métal sur la grande-Roue, le rire des adolescents, la symphonie métallique de cloches, les sifflets et les buzzers des cabines sur le trottoir et les chansons pop remplies de basse qui jaillissaient des haut-parleurs invisibles. Au-dessus de tout cela, un Jackson Browne serein est assis dans une gondole qui se balance lentement au sommet de la Grande-roue et jette un regard sur le Pacifique et le passé.
«J'avais coutume de venir souvent ici lorsque j'étais enfant. J'ai grandi à Highland Park jusqu'à l’âge de 13 ans environ. C’était une longue route en un bus de la ville, deux heures. C’était le début des années 60 et beaucoup de Vatos se retrouvaient ici depuis South Central. J'ai essayé de gagner des ours en peluche et de parler aux
filles. J'ai perdu le rasoir à main de mon père une fois sur la montagne russe. Il avait glissé hors de la poche de ma veste de pétrolier. J'avais l'habitude de porter un rasoir, Une chaîne pour chien, un paquet de Lucky Strikes. Un voyou, hein?"
Browne, probablement le plus mignon de jolis garçons chez les singers-songwriters du sud de la Californie des années 1970, éclate de rire à ce souvenir.
Il est aujourd’hui à quelques jours de ses 60 ans et vient de sortir son premier album studio en six ans, qui arbore le sobre titre «Time The Conqueror" et une photo de pochette en noir et blanc de Browne à la barbe argentée et à l’expression menaçante.
Cette version motarde de Browne, en fait, pourrait donner l’impression qu’il cache un rasoir.
Au sommet de la roue, Browne (qui a rasé sa barbe) n'est ni menaçant, ni particulièrement méditatif sur le passage du temps. The album title is no great message. Le titre de l'album ne possède aucun grand message. "C'est juste un vers tiré d’une chanson qui a fini par se retrouver là. J’utiliser le titre d’une chanson comme titre de l'album, je l’ai toujours fait. Lorsque vous choisissez le titre d’une chanson, personne ne pense que vous dites quelque chose. Ils
pensent que c'est une thématique. Mais quand vous en faites le titre de l'album, les gens essaient d’y voir un sens. J'aime tout simplement cette chanson."
Il y a beaucoup de chansons qu’affectionne Browne sur cette album de 10 morceaux. Les critiques, qui aiment lorsqu’un artiste qui possède un catalogue conséquent offre de nouvelles chansons qui possèdent une urgence, ont salué l'album.
J. Freedom du Lac du Washington Post, par exemple, a déclaré que les nouvelles chansons avait une "superbe touche" et les décrivait comme contemplative, au trait vif, déchirante, faisant écho et atmosphèrique – tout cela dans le même paragraphe.
Browne est un familier des accolades critique mais il est également habitué à la chute en disgrâce. Le même artiste qui a été salué dans les années 1970 pour les chefs-d'œuvre introspectifs "The Pretender", " Late for The Sky" et "Running on Empty" eu droit à une réception glaciale dans les années 80 alors que sa musique devenait beaucoup plus ouvertement politique. Certains allèrent jusqu’à dire que ses chansons semblaient avoir trop de choses à dire et trop
peu à ressentir, comme s'il élaborait la bande sonore d’un exposé de civisme.
En passant quelques heures avec Browne, il est facile de voir comment il peut pécher par excès d’idées entre les refrains. C’est un lecteur avide et étudiant en culture et sa conversation habituelle vous coupe un peu le souffle. En quelques minutes il mêle la photographie de Bruce Weber, le nouveau hillbilly noir de Ry Cooder, la sublime pureté des Allman Brothers, la prose de Gretel Ehrlich et les déductions culturelles d'Eduardo Galeano.
Browne est un homme qui pense, mais c’est aussi un romantique. En s'arrêtant sur un pont au-dessus du Pacific Coast Highway, il retire ses lunettes de soleil et parle des voyages familiaux lorsqu’il était gosse.
"Mes première affres d'amour véritable et de nostalgie ce fut lors de camps de vacances » me déclare-t-il. "Votre famille s’en va et vous retrouvez là pendant des semaines et il y a suffisamment de temps pour tomber dans un engouement sérieux, ce genre de désir qui vous écrase. Vous n'oubliez jamais vraiment cela. J'avais l'habitude de chanter énormément à ce sujet. Je suppose que tout le monde le fait».
Browne n'a pas mis de côté la politique sur le nouvel album. Le troisième morceau «The Drums of War" parle de lui-même - c'est une attaque amère contre l'administration Bush - et l'album se termine avec "Far From The Arms of Hunger » tandis que "Où étiez-vous?" brosse le portrait sans pitié d'un gouvernement qui laisse les victimes de l'ouragan Katrina mourir et souffrir. Cette dernière
fut inspirée en partie par une photographie Weber, confie le chanteur.
"Après tout ce que j'avais lu, après tout ce qui a été dit au sujet de Katrina, il y avait cette photographie de ce drapeau qui était quelque part sur la place du marché. Il y avait quelques mots d’écrit dessus, qui, je pense, était tiré d'un ancien spiritual : «Si jamais je cesse d'aimer". Pensez à cela. "Si jamais je cessais d'aimer". " Si nous le faisions, qu’en sera-t-il de nous? Et, vraiment, n'est-ce pas là que
réside le problème en premier lieu? Si vous ne pouvez pas l'amour, c'est fini. Nous sombrons tous."
Voyant rouge - et bleu
Les chansons politiques n’emportent pas toujours le suffrage des foule, faitremarquer Browne dans un rire ironique, mais il dit ne peut pas vraiment voir d’autre manière de chanter sur ses passions, sans entrer dans les différences flagrantes de couleur entre états bleu et rouge.
Il y a quelques semaines, ses avocats ont déposé une plainte contre John McCain et les groupes de campagne républicaine après que "Running on Empty" ait surgit comme bande son pour certaines publicités dans l'Ohio et sur l'Internet. Browne est aussi l'un des
plus stars de la musique les plus actives dans les efforts politiques et caritatifs.
En marchant sur la piste cyclable sur la plage, il hausse les épaules lorsque je lui ai demandé si la culture de la célébrité est devenue un
facteur aigre et polarisant dans le discours national.
Puis une jeune femme en patin et en bikini nous croise, les épaules exécutant le mouvement shimmy de boîte de nuit. "C'est la raison pour laquelle certains détestent la Californie. C'est ce que Buffalo nous reproche. Ils le feront toujours."
Browne est né dans une base miltaire, à Heidelberg, en Allemagne. Son père était un journaliste dans l'Armée de terre, écrivant des articles sur la musique principalement, cotoyait les plus grands jazzmen et organisait des soirées avec Django Reinhardt comme vedette. Enfant dans les années 1960, Browne se moquait de l’uniforme de son père.
"Mon père avait coutume de dire que le temps qu'il a passé dans l'Armée de terre a été le plus heureux temps de sa vie parce qu'il n'avait pas à penser. Je ne comprenais pas vraiment à l’époque ce qu'il entendait par là. J'ai été horrifié. Je pensais que cela venait confirmer tout ce que je soupçonnais au fond de moi sur mes parents et l'armée. Il disait cela avec la confiance et le confort d'une personne qui a passé sa vie avec les livres. C’était un homme instruit. Je pense qu'il appréciait juste la simplicité qu’on lui dise où il
devait se rendre. Cela vous libère de penser à toutes sortes de choses et cela vous permet d’avoir votre propre vie intérieure."
Browne idolâtrait Bob Dylan et, adolescent, il a joué avec Tim Buckley et un peu plus tard, avec le Nitty Gritty Dirt Band. C’est à Los Angeles, aux côtés des nouvelles stars comme Linda Ronstadt, les Eagles et son cher ami, le regretté Warren Zevon que Browne qui est devenu une voix plaintive chantant de belles chansons quoique troublées.
On lui a souvent dit qu’il était un homme sérieux dans une époque ironique. Browne n'est pas certain que ce soit un compliment. "Il semblerait que je n’arrive à écrire une chanson abstraite, j’en suis bien conscient. «Je crois qu'il y a beaucoup d'ironie dans ma musique. Personne ne veut paraître trop sérieux. Mais si votre principale préoccupation est de traiter de choses qui compte, on vous surprendra occasionnellement à vous prendre au sérieux."
Browne joue jeudi à l' événement Royce Hall de l’UCLA qui honore le 50e anniversaire du McCabe's Guitar Shop, puis il a un concert au Théâtre Orpheum dimanche prochain, avant de partir pour une tournée européenne. Si la forme persiste, il jouera quelques-unes de ses anciens classiques avant de s'excuser et de devoir jouer ses nouvelles chansons. C'est un exercice intéressant pour un homme qui considère la nostalgie une habitude hasardeuse.
"Ces chansons ont toutes été gonflées par le temps qui est passé», déclare Browne. « Le fait qu'elles aient été écouté pendant toutes ces années à partir d'un disque qui a été fixé dans le temps et associé à un moment dans la vie de l'auditeur, fait que le morceau contient, en un sens, l’expérience de la vie de tous les intervenants. Pas seulement la mienne, mais celle de tout le monde dans la salle. J'ai écrit "These Days" lorsque j'avais 16, mais cette chanson contient bien plus que les paroles et la musique aujourd'hui. Les chansons et ce qu'elles signifient, cela ne dépend pas de moi. Vous ne pouvez pas tirer crédit pour celles-ci."
Dernière édition par Admin le Lun 22 Déc 2008, 2:53 pm, édité 3 fois