Un seul être nous manque...

Pensée du jour : un seul être nous manque et tout est dépleuplé...

L'ami d'enfance



Un ami me parlait et me regardait vivre :
Alors, c'était mourir... mon jeune âge était ivre
De l'orage enfermé dont la foudre est au coeur ;
Et cet ami riait, car il était moqueur.
Il n'avait pas d'aimer la funeste science.
Son seul orage à lui, c'était l'impatience.
Léger comme l'oiseau qui siffle avant d'aimer,
Disant : " Tout feu s'éteint, puisqu'il peut s'allumer ; "
Plein de chants, plein d'audace et d'orgueil sans alarme,
Il eût mis tout un jour à comprendre une larme.

De nos printemps égaux lui seul portait les fleurs ;
J'étais déjà l'aînée, hélas ! Par bien des pleurs.
Décorant sa pitié d'une grâce insolente,
Il disputait, joyeux, avec ma voix tremblante.
À ses doutes railleurs, je répondais trop bas...
Prouve-t-on que l'on souffre à qui ne souffre pas ?
Soudain, presque en colère, il m'appela méchante
De tromper la saison où l'on joue, où l'on chante :
" Venez, sortez, courez où sonne le plaisir !
Pourquoi restez-vous là navrant votre loisir ?
Pourquoi défier vos immobiles peines ?
Venez, la vie est belle, et ses coupes sont pleines ! ...
Non ? Vous voulez pleurer ? Soit ! J'ai fait mon devoir :
Adieu ! - quand vous rirez, je reviendrai vous voir. "
Et je le vis s'enfuir comme l'oiseau s'envole ;
Et je pleurai longtemps au bruit de sa parole.

Mais quoi ? La fête en lui chantait si haut alors
Qu'il n'entendait que ceux qui dansent au dehors.
Tout change. Un an s'écoule, il revient... qu'il est pâle !
Sur son front quelle flamme a soufflé tant de hâle ?
Comme il accourt tremblant ! Comme il serre ma main !
Comme ses yeux sont noirs ! Quel démon en chemin
L'a saisi ? - c'est qu'il aime ! Il a trouvé son âme.
Il ne me dira plus : " Que c'est lâche ! Une femme. "
Triste, il m'a demandé : " C'est donc là votre enfer ?
Et je riais... grand dieu ! Vous avez bien souffert ! "

Un beau poème de ma dame de coeur Marceline Desbordes-Valmore

C'est TROP beau Fanny.Merci de partager avec nous.


Ines

Ah cette femme qui a tant souffert et tant aimé en a écrit des centaines comme cela, tous plus beaux les uns que les autres, il ne valait peut-être mieux pas pour vous que je commence à vouloir partager, car je suis bien capable de ne pas savoir m'arrêter tellement je suis en symbiose avec elle, tout ce qu'elle a écrit me charme !

Très chère Fanny,

Quand je repense aux longues heures bercées par la lune que j'ai passées à lire les poêmes de Marceline. Oui, je l'appelle par son prénom car je pense à elle comme une amie. Une amie qui a su toucher tant d'âmes avec ses mots. J'ai lu tous ses poêmes mais pour moi le plus poignant sera toujours "les roses".

Les roses


L'air était pur, la nuit régnait sans voiles ;
Elle riait du dépit de l'amour :
Il aime l'ombre, et le feu des étoiles,
En scintillant, formait un nouveau jour.

Tout s'y trompait. L'oiseau, dans le bocage,
Prenait minuit pour l'heure des concerts ;
Et les zéphyrs, surpris de ce ramage,
Plus mollement le portaient dans les airs.

Tandis qu'aux champs quelques jeunes abeilles
Volaient encore en tourbillons légers,
Le printemps en silence épanchait ses corbeilles
Et de ses doux présents embaumait nos vergers.

Ô ma mère ! On eût dit qu'une fête aux campagnes,
Dans cette belle nuit, se célébrait tout bas ;
On eût dit que de loin mes plus chères compagnes
Murmuraient des chansons pour attirer mes pas.

J'écoutais, j'entendais couler, parmi les roses,
Le ruisseau qui, baignant leurs couronnes écloses,
Oppose un voile humide aux brûlantes chaleurs ;
Et moi, cherchant le frais sur la mousse et les fleurs,

Je m'endormis. Ne grondez pas, ma mère !
Dans notre enclos qui pouvait pénétrer ?
Moutons et chiens, tout venait de rentrer.
Et j'avais vu Daphnis passer avec son père.

Au bruit de l'eau, je sentis le sommeil
Envelopper mon âme et mes yeux d'un nuage,
Et lentement s'évanouir l'image
Que je tremblais de revoir au réveil :

Je m'endormis. Mais l'image enhardie
Au bruit de l'eau se glissa dans mon coeur.
Le chant des bois, leur vague mélodie,
En la berçant, fait rêver la pudeur.

En vain pour m'éveiller mes compagnes chéries,
En me tendant leurs bras entrelacés,
Auraient fait de mon nom retentir les prairies ;
J'aurais dit : " Non ! Je dors, je veux dormir ! Dansez ! "

Calme, les yeux fermés, je me sentais sourire ;
Des songes prêts à fuir je retenais l'essor ;
Mais las de voltiger, (ma mère, j'en soupire,)
Ils disparurent tous ; un seul me trouble encor,

Un seul. Je vis Daphnis franchissant la clairière ;
Son ombre s'approcha de mon sein palpitant :
C'était une ombre, et j'avais peur pourtant,
Mais le sommeil enchaînait ma paupière.

Doucement, doucement, il m'appela deux fois ;
J'allais crier, j'étais tremblante ;
Je sentis sur ma bouche une rose brûlante,
Et la frayeur m'ôta la voix.

Depuis ce temps, ne grondez pas, ma mère,
Daphnis, qui chaque soir passait avec son père,
Daphnis me suit partout pensif et curieux :
Ô ma mère ! Il a vu mon rêve dans mes yeux !

Quand je repense au moment où j'ai posté ce message, à la personne à qui il était dédié, et que je vois la tournure qu'il prend aujourd'hui, je me dis :



Elle est pas belle, la vie ???

Ah Lilly, Carson Mac Cullers nous avait déjà rassemblées, maintenant Marceline ! deux femmes sublimes (je parle là de beauté d'âme), deux époques différentes, deux styles différents, deux femmes qui ont immensément souffert et qui ont en commun ce don de faire chanter les mots.
Les bal(l)ades tristes, langoureuses et lancinantes de Carson
les prières scandées de Marceline

Si tu me dis que, dans un autre registre, tu aimes Frida Khalo
alors là c'est sur, nous sommes soeurs jumelles

je viens de m'offrir toute l'oeuvre poétique de Marceline (des publiés et des inédits rassemblés et révisés par Marc Bertrand aux Ed. Jacques André)
un beau cadeau à te faire offrir si tu ne l'as déjà.

Ben Tom à qui était-il dédié ce ti mot ? (maybe un secret ???).

A ta soeur jumelle... dans l'un de ces moments où elle nous impose son absence.

Maintenant, est-ce parce qu'il s'agit de poésie hyper-féminine, que je n'en ai pas la même approche que vous ?

En revanche, pour Frida je vous suis à 100% (ça doit être les moustaches).

Biz

Tom

Et bien tu vois, dès fois ça marche, tout s'enchaîne à merveille

Merci à nos deux jumelles pour tant de délicate beauté partagée, c'est magnifique...

Magnifique aussi le temps de lente maturation du message de Tom, qui vient éclore en nous au meilleur moment..!
Oui today is good day to have a good day !

Dame Lilly... les roses vous vont bien... que ce soit cette couleur, pâle, tendre..... ou bien ces délicates fleurs..... et leur parfum qu'on savoure comme un moment d'éternité...

Ma très chère Fanny,

Oui, nous sommes soeurs jumelles. As-tu lu LA biographie de Frida Khalo? Tu n'aimes toujours pas les biographies?

En fait, j'ai lu les oeuvres de Marceline dans la revue annuelle de la SACEM qu'on reçois toujours.

Quant à Carson McCullers, elle restera toujours mon auteur préférée. J'étais au lycée quand j'ai lu "The Heart is a Lonely Hunter". C'était la seule fois où j'ai pleuré à la fin d'un roman. Ce n'est pas que la fin y est tragique. C'est juste que c'était tout à fait réel et parfaitement prévisible. Seulement l'adolescente que j'étais et la rêveuse que je suis toujours voulait que ça se termine autrement. Je voulais que les rêves se réalisent. Tu devrais lire ses oeuvres en Anglais. C'est vraiment autre chose.

Presque dans le même registre, je te conseille de lire "The Bright Forever" de Lee Martin. C'est le meilleur livre que j'ai lu ces dernières années. Tu aimeras la fin.

Bises

Lilly

En fait j'ai lu celle écrite par Hayden Herrera, historienne d'art (assez ardue, en livre de poche, très fouillée et sans aucune illustration) !
je sais qu'il en existe d'autres il faudra que je me les procure pour avoir peut-être une autre vision d'elle, j'ai vu le film aussi bien évidemment qui nous en apprend aussi, et j'ai reçu en cadeau récemment "Frida Kahlo je peins ma réalité" de Christiane Burrus (chez Gallimard) qui est très
bien construit et illustré qui plus est.
Pour Carson je pense avoir tout lu.
Je serais bien incapable malheureusement Lilly de lire Carson en anglais dans le texte !!!!
Pour "The Bright Forever" de Lee Martin, oui tu me l'avais conseillé il y a quelques temps, mais tu sais j'arrive à relire depuis peu, la concentration n'était plus là du tout, donc je note sur mes tablettes pour mes futurs achats.

Tout d'abord, veuillez m'excuser mesdames de m'immiscer dans votre sujet. J'ai en fait lu "The Bright Forever" car un client Americain l'a oublié sur une table. C'est vrai que d'un point purement littéraire, ce livre est une merveille. Le type de narration est GENIAL. C'est un chef-d'oeuvre dans la description des personnages. Seulement, étant le grand-père de deux petits enfants, lire ce livre m'a été pénible. Je l'ai terminé car je voulais savoir si ma compassion pour le personnage principal n'était pas malsaine.

Je crois Lilly que quand tu auras des enfants, tu liras ce livre autrement. Ou bien c'est moi qui suis trop sensible vis-à-vis de certains sujets. Ce qui m'a incité à lire ce livre, c'était sa couverture veloutée et cette petite mèche blonde avec ce petit ruban. Je croyais que c'était une histoire très douce. C'est ce que j'ai lu de plus douloureux et je n'en reviens pas qu'au delà de l'arc-en-ciel, on aie lu le même livre.