COMMENT JAMES TAYLOR A RÉALISÉ "SWEET BABY JAMES"

EN 1970, un pays encore sous le choc du Vietnam, des assassinats de Kennedy et King et des meurtres de Manson, était prêt pour quelque chose de calme et d’introspectif. Dans ce vide est apparu le second album de James Taylor , Sweet Baby James , l'un des points de repère du mouvement naissant des Singers-Songwriters ( auteurs-compositeurs-interprètes).

Sorti en mars de la même année, il comprenait l'une des chansons emblématiques de Taylor, « Fire and Rain », et cette chanson ainsi que l'album allaient figurer dans le Top Five à la fin de l'année ; au début de 1971, Taylor ferait même la couverture du magazine Time en incarnant « The New Rock – Bittersweet and Low ».


Mais lorsque l’album a été enregistré, une grande question s’est posée : Taylor lui-même était-il prêt ?

Quelques mois auparavant, Taylor – alors âgé de 21 ans, élevé dans les Carolines et en Nouvelle-Angleterre, avec des antécédents de dépression mentale et de toxicomanie – s'était fracturé plusieurs os dans un accident de moto près de chez lui à Martha's Vineyard. Il venait également de quitter Austin Riggs, un hôpital psychiatrique du Massachusetts.

"C'était un musicien brillant, quelque peu excentrique, proche du génie, et il faisait clairement partie de ces gens qui pensaient parfois un peu trop pour leur propre bien", se souvient son manager et producteur Peter Asher.

Mais il s’est avéré que Taylor était plus que préparé.

À l'automne 1969, il avait déménagé à Los Angeles et y avait répété dans le salon de la maison d'Asher, avec un petit groupe qui comprenait Carole King au piano. Il avait écrit un lot de nouveaux morceaux, dont « Fire and Rain », qui racontait ses propres luttes et le suicide d'une amie, ainsi que « Sunny Skies », une ode sombre et enjouée à ses problèmes mentaux, et Steamroller Blues, une moquerie du blues joué par les Blancs. Le morceau affichait bien son sens de l'humour sournois.

Pendant les répétitions, le batteur Russ Kunkel utilisa des balais au lieu de bâtons sur « Fire and Rain » afin de ne pas jouer trop fort, et son jeu est devenu un moment emblématique de la chanson.

En décembre 1969, les musiciens – accompagnés d'un groupe tournant de bassistes, dont Randy Meisner, un futur Eagles – créèrent les chansons en trois jours, parfois trois morceaux par jour, pour seulement 7 600 $.

"Le matériel était prêt lorsque nous sommes entrés en studio, et nous avons réalisé l'album très rapidement", a déclaré Taylor. «Nous étions à Los Angeles dans un studio d'enregistrement professionnel pour faire un travail professionnel. Cela s'est vraiment bien passé et c'est allé vite. J'ignorais si c'était bon ou pas.»

Le premier album de Taylor, "James Taylor" de 1968, était surproduit, et lui et Asher avaient appris de leurs erreurs (cet album, sorti sur le label Apple des Beatles, fut un échec).

Comme on l'entend sur « Country Road » et « Blossom », deux chansons qui sont devenues une partie du répertoire live de Taylor, le nouveau disque était centré sur la voix non menaçante de Taylor et des parties de guitare acoustique étonnamment complexes, avec un accompagnement sobre et sympathique.

Le guitariste Danny Kortchmar, un vieil ami de Taylor qui a joué sur l'album, se souvient qu'ils avaient essayé de sortir une version plus électrique de « Fire and Rain » presque un an auparavant et qu'ils avaient appris à leurs dépens que cette approche n'était pas la bonne.

"Nous jouions comme un groupe de rock", a déclaré Kortchmar. « Peter a compris après cette version qu’il fallait la réduire. Cette version plus grande diminuait la puissance de la chanson. Quand Peter a tout retiré, la chanson a pris vie.

À la fin, ils n'avaient que neuf chansons et il leur en fallait une de plus pour terminer l'album – puis récupérer l'avance de 20 000 $ du nouveau label de Taylor, Warner Brothers. Taylor assembla les parties de trois chansons inachevées, en nommant le tout « Suite for 20G » en l'honneur de l'argent qu'il collecterait au moment de la remise de l'album.


À son arrivée, l'album "Sweet Baby James" – du nom de sa chanson titre - une berceuse pour le neveu de Taylor, également nommé James – reçut des critiques positives et se vendit modestement.

Ce n’est que lorsque « Fire and Rain » sortit finalement en single à l’automne que l’album décolla, et Taylor devint l’affiche de gauche d’un nouveau son plus doux avec une nouvelle sensibilité post-sixties.

Les récits de troubles intérieurs de Taylor – et son désir de se retirer sur cette route de campagne – parlaient à une génération qui, en 1970, se sentait battue par le tumulte et les promesses non tenues de la décennie précédente.

"C'est une de ces choses où quelqu'un écrit des chansons très personnelles sur sa propre expérience, et ce qu'il ressent à propos de cette expérience s'avère être quelque chose de partagé par beaucoup de gens", a déclaré Asher. "Tout le monde écoutait ces paroles et y entendrait sa propre vie."