Louis Chedid, le sergent pépère ? Par Eric Nahon (Membre Mon Figaro)
Couverture de l'album «On ne dit jamais assez aux gens qu'on aime qu'on les aime»
"J'ai toujours aimé les chansons comme «You've got a friend» de James Taylor. Ces chansons qui parlent d'amitié. Je voulais en faire une comme ça."
INTERVIEW - On l'attendait rock avec son «soldat rose» de fils à la guitare, il revient en sergent pépère avec un titre à la Cali «On ne dit pas assez aux gens qu'on aime qu'on les aime». Pourtant la patte «chedidienne» est là. On n'est pas surpris, mais on n'est pas déçu non plus. Louis Chédid vient quand même nous rappeler qu’il est l’un des patrons de la chanson française. En douceur, mais avec fermeté.
Il n'est pas dupe Louis. Il y a huit ans tout le monde demandait à Matthieu si l’hérédité n’était pas trop lourde à porter. En 2004, au moment de la sortie de «Un ange passe» de Louis Chédid, tout le monde lui parlait du succès foudroyant de -M-... Pendant un temps les choses étaient claires dans le clan Chédid. Matthieu, c’était Matthieu et Louis, c’était Louis.
Mais depuis, «Le Soldat Rose», «Mister Mystère» et maintenant «On ne dit pas assez aux gens qu'on aime qu'on les aime», le père et le fils ne se quittent plus professionnellement. Alors qui déteint sur qui ? Louis Chédid répond sans détour.
Pour «Un ange passe» sorti en 2008, tu t'étais entouré des rockeurs d'Astonvilla pour, disais-tu, donner de l'air à ta musique. Pour «On ne dit jamais assez...», tu t'es juste enfermé avec ton fils pour faire du «Chédid». N'as tu pas le sentiment de tourner en rond ?Louis Chédid : Je ne pense pas. Je n'ai pas envie d'être un personnage comme Philippe Katerine. Tout casser à chaque fois. J'en serais incapable. Pour «Un ange passe», je voulais effectivement travailler avec des gens qui ne connaissaient pas forcément mes chansons et mon répertoire. L'expérience de ce nouveau disque est encore plus radicale... Il s’agissait d'abord de travailler avec le guitariste le plus talentueux avec qui j'ai joué dans ma vie...
(Haussement de sourcil) N'est-ce pas le papa qui parle là ?Je dis ça exprès. Mais c'est vraiment un guitariste extraordinaire. Ça fait 20 ans que je joue avec lui. Et puis, si j'étais le seul à penser ça, tu pourrais penser que c’est le papa qui parle mais ce n’est pas le cas.
Le disque est donc une expérience radicale car le deal de départ était le suivant : nous devions faire tous les instruments uniquement tous les deux en dix jours. Nous nous sommes retrouvés en face de chansons très émotionnelles où le guitare-voix suffit presque.
On revient donc à un Chédid «classique». Ne penses-tu pas que tu as fait ce que Matthieu attendait de toi ? On sait qu'il est fan de tes premiers albums, les plus acoustiques.Ça pourrait être ça mais ça ne l'est pas car j'ai composé mes textes bien avant de savoir que j'allais travailler avec lui. L’acoustique est le fruit d’une évolution. J'ai eu ma période synthé-électro dans les années 1980 : «Anne ma soeur Anne», «Ainsi soit-il» etc. J'ai adoré faire ça, j'étais dans des studios, je pressais des boutons. Aujourd'hui, j’arrangerais sans doute différemment ces chansons-là. Je suis revenu à des choses plus dépouillées. Une bonne chanson, doit d'abord bien passer en guitare-voix.
Tu as donc l'impression de t'être débarrassé du superflu.Exactement. Nous nous étions mis au défi d'enregistrer seize chansons en dix jours. Il a fallu aller très vite à l'essentiel. C'est ce moment-là qui a généré ce disque-là. Pas du tout une envie de Matthieu. Un jour ou l'autre, j'espère faire un album avec uniquement deux guitares et une voix. Ce serait des chansons qui se suffiraient à elles-mêmes sans que l'on ait besoin de rajouter quelque chose.
As-tu eu peur des réactions de Matthieu quand tu lui as fait écouter tes premières maquettes ?Je suis très attentif à ce qu'il pense mais je ne flippe pas. Tu préfères évidemment que les gens aiment ce que tu fais. Quand c'est quelqu'un de proche, c'est pire. Mais je ne suis pas juge de ce que je fais et je peux comprendre que l'on n'aime pas. Je suis mon pire critique.
«TU PEUX COMPTER SUR MOI»Ce premier single «Tu peux compter sur moi» en duo avec -M-, c'est une chanson sur la relation père-fils ? C'est d'abord la chanson un peu «magique». J'étais assis sur mon canapé à... rêvasser. Et j'ai eu cette phrase musicale, «tu peux compter sur moi», qui a commencé à me trotter dans la tête. J'ai toujours aimé les chansons comme «You've got a friend» de James Taylor. Ces chansons qui parlent d'amitié. Je voulais en faire une comme ça. C'était bien avant que je décide de travailler avec Matthieu. Mais quand il a été embarqué sur le projet, chanter ce morceau avec lui était devenu une évidence. D'ailleurs tout a été évident sur ce disque... jusqu'à la pochette. Tout était en place, tout était déjà là.
"HOLD UP VERSION LONGUE»
Tu sais aussi être moins tendre, «Chat Noir» pourrait être la suite de «Hold Up» sortie en 1984 et reprise par -M- en 2009 ?C'est vrai, il y a une parenté. C'est une chanson qui n'est pas acoustique du tout pour le coup. D'ailleurs, ceux qui ne connaissent pas trop mon travail pourront penser que c'est l'influence de Matthieu qui m'a poussé, alors que pas du tout, c'est vraiment mon ADN. J'ai fait cette chanson chez moi sur un texte de Pierre-Dominique Burgaud (avec qui j'ai écrit le «Soldat Rose»). Ce texte me parle, évidemment. J'aime cet humour grinçant. Je dis des trucs bien cyniques avec une voix douce ou sur des musiques qui donnent envie de bouger son corps. J'ai toujours aimé faire des choses comme ça. Une chanson ça doit d'abord être séduisant. Ça permet de faire passer le message après.
Tu joues d'ailleurs toujours avec ta même palette de sons, comment évites-tu le sentiment de redite ? Ne crains-tu pas que l'on te reproche trop de consanguinité dans ce disque ?C'est un monde qui me plaît. Le public décide ensuite. Ça ne dépend plus de moi. J'ai juste envie de dire : j'ai fait le maximum de ce que je pouvais faire. Est-ce que c'est suffisant ? Le public le dira. Mais ne crois pas que je n'ai pas fait mon maximum. J'essaie toujours de faire des chansons meilleures que les précédentes tout en restant dans mon style. Et puis, tu sais, les gens aiment que tu évolues mais ils n'aiment pas que tu changes. Plus tu fais d'albums, plus ça devient difficile car les gens comparent à ce que tu as fait avant. Ils veulent des chansons aussi fortes que celles qu'ils ont aimé.
» Louis Chedid, album : «On ne dit jamais assez aux gens qu'on aime qu'on les aime» (Atmosphériques) - Sorti le 2 novembre 2010