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Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie)

+2
inconnu
Michel R.
6 participants

Aller en bas  Message [Page 1 sur 1]

1Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Mer 29 Aoû 2007, 3:29 pm

Michel R.

Michel R.

……. Je n’ai versé aucune larme car je n’avais pas conscience de ce qui m’arrivait. J’avais toujours mon tablier gris et mon cartable serré sous mon bras. Seulement, je ne comprenais pas pourquoi avoir les miettes de pain dans ma poche entre mes doigts me rassurait…..

Nous habitions un petit appartement vétuste dans un immeuble très sombre. La première chose qui me frappa était que les gens ne se disaient jamais « Bonjour » ou « Comment ça va ? ». Ils ne se regardaient même pas. Le seul bruit qu’on entendait était celui des voitures. En fait, tout me semblait en noir et blanc.

Mon premier jour à l’école fût très laborieux. Les autres enfants étaient tous blonds et ils me regardaient d’un drôle de regard. Chaque fois que je repondais aux questions de la maitresse, ils éclataient de rire. Dans la cour, tout le monde me désignait du doigt. Ils ne savaient même pas ce que le stac et pitchac voulaient dire ! Un jour, la maitresse nous demande de décrire notre grand-mère. Puisque je n’ai jamais connu la mienne, je decidai de décrire Lalla Zohra. Penser à elle remplissait mon cœur de bonheur. J’ai passé des heures à trouver les mots qu’il fallait. J’étais très fier de moi. J’avais gardé une copie de la rédaction afin de la donner à Lalla Zohra lorsqu’on reviendrait à la rue Lamartine. J’attendais avec impatience mon tour afin de lire à voix haute le fruit de tant d’heures de labeur. Quand j’eus fini, après un petit silence, la maitresse me dit : « Donc, ta grand-mère est une indigène pouilleuse ? ». « Ce n’est pas une pouilleuse. C’est une DAME ! », Lui repondis-je. Je me rappelle de l’élan qu’a pris sa main avant de me gifler. Depuis ce jour-là, j’étais devenu le pouilleux de la classe.

Mon père désirait entamer une nouvelle vie, or, j’avais besoin qu’on me parle de ma mère….d’Oran. Chaque fois que je mentionnais le nom de ma mère, je recevais une gifle. Lorsque je lui parlais de retour à Oran, c’est un coup de poing que je méritais. Aucun voisin ne fût interpellé par aucun œil au beurre noir que j’ai eu. Les folies bruyantes de mon père ne semblaient déranger personne. A l’école, il expliquait cela par mes multiples bagarres. Moi qui ne sortais de la maison que pour aller à l’école. M’entendre dire par tout le monde que je méritais ce qui m’arrivait car j’étais un garçon très méchant. Plus mon père sombrait dans la boisson et la haine, plus ses coups doublaient de violence. Loin était le temps où Mme Martinez devinait la moindre bêtise que je faisais. Losqu’on croisait des voisins, j’essayais de leur faire signe concernant mes blessures. Personne ne remarqua. J’avais vu au cinéma que lorsqu’on envoyait un SOS on était secouru immédiatement. Alors, je pris plusieurs bouts de papier et j’y ai écrit SOS. Je les ai glissés sous les portes des voisins et j’en ai donné à la boulangère et au cordonnier. J’attendis des heures, des jours, des semaines, des mois…… Personne ne vint me secourir.

Les coups fusaient plus vite que les bières que mon père déscendait. Mes visites à l’hôpital se multipliaient et les fractures…aussi. Pour ne pas attirer d’attention, j’étais consigné à la maison avec interdiction de sortir. Il prétextait mes absences de l’école par des visites à la famille à Toulouse. Je restais seul dans la chambre qui faisait office de cuisine. Lorsque tout devenait trop sombre autour de moi, je repensais à Oran et ma vie là-bas. Je me rappelais des jours quand je partais avec ma mère au fort de la Santa-Cruz. Oran était à nos pieds. On jouait à deviner les quartiers au loin. On passait des heures à cueillir des framboises. On s’asseyait et ne rien dire, juste admirer le panorama. Lalla Zohra, Mme Algarra, Martinez, Jiménez….Toutes me manquaient. Je me demandais si elles se rappelaient de moi autant que je me rappelais d’elles. J’avais une envie folle de manger de la calentika au cumin et de la harissa. Là-bas, j’étais l’enfant roi. A Grenoble, j’étais invisible. Personne ne sentait ma douleur. Peu à peu, je m’abritais dans mon silence et mes rêves de bonheur passé et révolu.

Les mois et les années passèrent. Meurtri dans mon cœur et dans mon corps, j’errais dans les méandres de ma souffrance, jusqu’au jour à l’âge de 17 ans, je rencontrai Nadine. Pour la première fois, quelqu’un me regardait droit dans le cœur. Tel un véteran, blessé et las, je m’abandonnais à elle. Elle me donna la force d’arrêter l’énième coup de poing de mon père. Avec elle à mes côtés, j’eus l’audace de lui dire : « Non, plus jamais » et « Adieu ». Elle fût tout pour moi. Elle me donna trois enfants magnifiques. En 43 ans de vie commune, jamais elle ne me posa de questions, attendant patiement une ouverture de ma part qui ne vint jamais.

Vivre loin d’Oran était comme attiser les braises qui me rongeaient de l’interieur. Jamais un jour ne passait sans que je me replonge dans cette enfance qui s’interrompit le moment où je ne vis plus la Santa-Cruz. Il fallait un accident qui boulversa ma vie pour comprendre. Comprendre que je devais revoir Oran et découvrir la tombe de ma mère. Il me fallait faire le deuil de mon enfance et de ma mère.

Alors, Jean-Pierre, Esmeralda et Alain-Juan, dans la petite boite en fer que vous avez passé des années à essayer d’ouvrir se trouve ce qui suit : quelques pignoles d’abricots, mon stac, une photo jaunie de ma mère, deux tickets de corrida, des boutons que m’a donné Mme Algarra et deux rédactions (l’une sur le bonheur et l’autre celle de Lalla Zohra). Mes enfants, j’éspère que vous comprendrez si je ne vous les montre pas. Il me faut encore du temps. Ce que je viens de citer est en fait ce qui se trouvait dans mon cartable et c’est tout ce que j’ai gardé de mon enfance.

Tom, il me fallait un ange pour rencontrer un autre ange. Vous êtes tous deux dans mes prières.

Michel R. dit MIMO l’espagnol.

inconnu



Pfouuuuuuhhhhh..... bien que je connaisse déjà les grandes lignes de ton histoire, je ne sais pourquoi, il m'a fallu du temps pour arriver au bout, tant ma vue se troublait à chaque paragraphe...

Est-ce parce que dans ma région les choses étaient différentes, mais je n'ai pas souvenir que les gens étaient aussi salauds que ceux que tu as rencontré à Grenoble à cette époque.

Excuse-moi d'être aussi ignorant qu'un grenoblois, mais pourrais tu nous expliquer ce que veulent dire : pitchac - carico - stac - piroulis et calentika ?

Merci d'avance.

Tom

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Expoag10

A gauche, se trouve le stac qu'on utilisait pour chasser les pigeons, le pitchac qu'on utilisait à la place d'un ballon. On découpait la chambre à air d'un vélo en rondelles et on les assemblait à l'aide d'un fil. Il y a une toupille, des pignols, une cartelette et des osselets.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Carico11

On s'asseyait sur le carico, dans des descentes, la vitesse devenait effrayante et les freins c'était nos pieds. C'est pourquoi nos souliers ne duraient jamais longtemps.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Corrid10
C'était l'age d'or de la corrida à Oran.

---------


Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Karenbw1

Le Karentika ou Garantita.... sorte de flan salé à la farine de Pois chiche et au cumin



Ingrédients :

1 mesure de farine de pois chiche
3 mesures d’eau
1 œuf
3 c à soupe d’huile
Sel, cumin.

Préchauffer le four 30 min avant d’enfourner la Karentika.

Mélanger tous les ingrédients à commencer par l’eau.
Enfourner, laisser cuire 40 min à peu près, la Karentika doit être légèrement dorée.

Retirer du four, couper des parts et saupoudrer de cumin
Servir chaud.


La
Karentika est une grande spécialité culinaire à Oran Calentica (ou
karentika). L'origine du mot vient de l'espagnol Caliente qui veut dire
Chaud, ...

------

Le Piroulis est une glace à l'eau fruitée.


Michel R.

4Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Mer 29 Aoû 2007, 10:57 pm

Admin Samuel Légitimus

Admin Samuel Légitimus
Admin

Bravo mon cher Michel,

Ce que tu viens de nous raconter au delà du côté terriblement déchirant et émouvant, est finalement une merveilleuse histoire d'amour à une mère et à une ville.

Tu as eu raison de te délivrer en notre présence. et ton écriture est pleine de pudeur, de sons, d'odeur et de finesse... avec tous les affres du déracinement, de l'abus paternel (cachant sans doute une immense souffrance) et de l'intolérance de l'époque. (Tom, les salauds ne le sont jamais à leurs propres yeux!!)

Tu devrais à mon humble avis, faire de ce récit quelque chose de très beau: prendre ces deux pages et essayer de les lire à tes enfants et petit-enfants.

Tu es quelqu'un vraiment de bien et toute ces lignes le prouvent!!

merci

Sam


_________________
Some things never change and some things we don't ever want to change. Thankfully, James Taylor hasn't.

Ines

Ines

Bonjour Michel,

Que d'émotions! J'avouerai que j'ai versé quelques larmes en lisant ton "récit". Sache qu'il y a une petite famille rue Maupas qui attend ton arrivée avec impatience.


Ines

6Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Ven 31 Aoû 2007, 12:34 pm

Invité


Invité

Très poignante ton histoire. Moi aussi j'avais du mal à lire tant ma vue se brouillait. Comment oublier le stac et le pitchac?


GR

jean-pierre

jean-pierre

C'est avec beaucoup d'émotions que j'ai lu ton récit, Michel. Tu as un vrai talent de conteur et tu as su nous faire partager ce passé nostalgique et douloureux.
Merci de m'avoir permis de revivre dans ta 1ère partie des moments de mon enfance: le "petit Vichy" où j'avais droit à la promenade sur les ânes,les promenades à Canastel ,la rue d'Arzew,....Le passé ressurgit quand on ne l'attend pas ! Je revois maintenant mes parties de pignols avec les copains, et les cartelettes qu'on se disputait en se tuméfiant les paumes de main à force de taper le trottoir. Je repense au bon goût de cannelle des montecaos( ces gâteaux au beurre et au sucre) ,au défilé du 14 juillet qui passait devant mon balcon, rue Paixan,à la montagne des lions,au cap Falcon ,à la pêche aux palomines sur les rochers au bord de la plage,aux amis( Palumbo,Riera,Malebrera,Messaoud)......jusqu'à mon départ un jour de Janvier 1962, non pas sur un bateau, mais dans un avion ,tout seul, avec une pancarte autour du cou, laissant mes parents sans savoir si je les reverrais......
Ils m'ont rejoint, un peu plus tard, dans l'Est de la France mais il a fallu beaucoup de temps pour ne plus penser chaque jour à Oran et son soleil . L'accueil fut beaucoup plus amical que pour toi. Bien sûr il y avait des plaisanteries mais mon instituteur avait eu beaucoup de tact et d'autorité et je me suis peu à peu glissé dans la peau d'un écolier du "continent".
C'est incroyable ce forum d'amis ici au CAJT , repenser à Oran comme cela avec Lilly, Michel,Radiobro et maintenant Inès!
Je te souhaite, Mimo, du fond du coeur un merveilleux voyage ...

JPA

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Rue-la10

Le défilé du 4 juillet passant de la place des victoires vers la rue Lamartine

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Rue-la11

Notre immeuble est à côté de celui avec plein de drapeaux.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Photos10

Le petit Vichy. Merci Lilly.


Michel

jean-pierre

jean-pierre

Merci Michel pour les photos. Cela semble hier et pourtant.....

Au fait j'ai oublié une (petite chose),

je m'appelle Jean-Pierre..........................Algarra !!

(mais malheureusement pas de la même famille-du moins je ne crois pas-que ta madame Algarra).

10Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Sam 01 Sep 2007, 10:48 am

Michel R.

Michel R.

Jean-Pierre, ton nom m'est très cher. Je pense que c'est un signe que l'étoile de Mme Algarra me suivra toujours.


Michel R.

P.S: Petite réctification. Pour la première photo, le défilé passe de la rue Lamartine et se dirige vers la place des Victoires à la rue d'Arzew.

Michel R.

Michel R.

Très tôt, ce matin, je fis ce dont je rêvais depuis cinquante ans. Gravir le mont Murjajo, méditer au pied de la Santa Cruz et avoir Oran à mes pieds.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Vierge10


Michel R.

jean-pierre

jean-pierre

Merci Michel, l'émotion me gagne.......
Je t'envie.

@+
JPA

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Arenes10

Les arènes d'Oran....magistrales. J'y suis allé tellement de fois.

Michel R.

14Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Ven 07 Sep 2007, 10:00 pm

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Cathed11

15Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Sam 08 Sep 2007, 12:28 pm

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Baie_c10

La baie de Canastel. Plus belle en vrai.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Gare110

J'aimais le style mauresque de la gare ferroviaire. J'attrapais des torticolis à force de regarder en haut.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Gare311

16Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Empty Re: Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Sam 08 Sep 2007, 10:38 pm

Michel R.

Michel R.

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Frtdem10


Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Mairie10

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Bie_or11

Radiobro

Radiobro

Mémoire d'outre-mer (deuxième-partie) Photo_10

Ma préférée.

bro.

Michel R.

Michel R.

A moi aussi.


michel R.

jean-pierre

jean-pierre

Merci, merci ces photos me font chaud au coeur!

JPA

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